BLEU, BLANC ROUGE : DES COULEURS A LA DEVISE NATIONALE

Par CHRISTIAN BITARD ( club villepin.com)

Les hasards de l'Histoire ont voulu que la République Française adopte pour emblème national le drapeau tricolore bleu, blanc et rouge, et l'histoire nous apprend bien comment ces couleurs naquirent de l'encadrement du blanc de la royauté par les couleurs bleue et rouge de la ville de Paris pour composer une cocarde tricolore destinée à être portée au chapeau du Roi de France lui-même, et lui signifier ainsi, par ce symbole, qu'il était désormais entre les mains de la bourgeoisie parisienne, mais l'Histoire peut-elle nous expliquer pourquoi ce drapeau va si bien à l'histoire de notre pays, et en quoi ces trois couleurs reprennent comme d'une seule voix la si belle devise de la nation : Liberté, Egalité, Fraternité ? Le Blanc représente à lui seul l'égalité et son contraire, car s'il est avant tout la couleur de l'Ancien-Régime et de la démesure de sa Noblesse écrasant le Tiers-Etat du poids exorbitant de ses nombreux privilèges, c'est également le symbole de la Justice Royale et des mesures du Roi qui mettent sur un pied d'égalité les sujets de tout le royaume, de quelque province qu'ils viennent; c'est aussi à la fois l'équilibre harmonieux de toutes les couleurs du spectre lumineux réunies en une seule et le trouble qu'implique leur nécessaire disparition au profit de l'éclat de leur union; c'est enfin l'expression de la pureté sans tache qui se propose de guider rigoureusement les esprits autant que la neutralité de toile du peintre sur laquelle viendront s'exprimer toutes les couleurs de la palette à la fantaisie de l'artiste.

De part et d'autre de cette couleur posée comme une toile de fond, le bleu et le rouge des couleurs de Paris viennent s'apposer aux côtés de celle du Roi, comme pour encadrer symboliquement son pouvoir, nous l'avons vu, par celui des maîtres de la cité, mais aussi comme pour mieux la mettre en valeur, comme pour lui permettre de mieux exprimer ses vertus composées avec celles de la capitale qui représentent l'une courage et l'autre, la générosité.

Le courage, c'est le rouge du sang de Saint Denis, que les romains décapitèrent pour son obstruction aux lois anti-chrétiennes de Rome. La légende raconte que le martyr porta lui-même sa tête là où il résidait et où, plus tard, sera élevée la basilique portant son nom; les autorité locales de l'époque furent alors impressionnées au point d'accorder aux chrétiens de Saint-Denis la liberté qu'ils demandaient pour leur culte. La liberté se mérite, elle demande du courage, et la mort en vient souvent réclamer le prix. Plus tard, à la Commune de Paris, en 1871, on vit des insurgés arborer sur des barricades le drapeau blanc rougi par le sang de ceux qui voulaient se rendre, et à qui la mitraille ennemie apprit qu'on ne se bat pas à moitié pour sa liberté. Ce drapeau rouge, devenu symbole de la lutte pour la liberté du peuple, fut repris par les représentants de l'URSS, et puis ceux de la Chine, qui ont une grande admiration pour la France et son Histoire.

La générosité. Après le rouge du sang versé par le sacrifice de Saint Denis, martyrisé par les romains, voilà qu'un autre romain, et même un soldat romain, s'illustra au cours d'un hiver particulièrement rude, en coupant d'un coup de glaive son manteau de laine pour en revêtir un malheureux gaulois qui mourait de froid sur le bord d'une route des environs de Tours. Compassion diront les uns, fraternité diront les autres : ces deux mots expriment le même sens perçu de la nécessaire communauté de destin entre les hommes. Dessous les uniformes et derrière les apparences comme au-delà des expression d'appartenance à telle ou telle catégorie d'individu, un homme reste un homme, et, comme l'exprime Térence (encore un romain !) dans une de ses comédies qui met en scène un jeune esclave qui tente de consoler son noble maître tellement désespéré de la perte de son fils qu'il le rabroue en prétendant qu'il ne peut pas comprendre; et l'esclave de répliquer : "je suis un homme, rien de ce qui est humain de m'est étranger".

Le blanc de l'égalité n'a-t-il pas toute sa place entre ces deux couleurs que sont le rouge du sang de Saint-Denis et le bleu de la cape de Saint-Martin ? comme pour concilier l'incompatible dans un même accord ? Ne sais plus quelle couleur vient encadrer l'autre...