La mélatonine, première vraie hormone anti-âge ?

La mélatonine, première vraie hormone anti-âge ?

Dossier : Mélatonine

Tout savoir sur l'autre hormone de la jeunesse

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Mal connue, la mélatonine est pourtant utilisée par des millions de personnes. Quels sont ses effets réels ? Comment l'utiliser en toute sécurité ? Le point avec des études scientifiques.

Dossier réalisé par Thierry Souccar

Dernière mise à jour : 30/01/2009

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Les secrets de la mélatonine

La mélatonine, qu'est-ce que c'est ?

La mélatonine (N-acétyl-5 methoxytryptamine) est une hormone fabriquée par une petite structure qui se tient au centre même du cerveau, la glande pinéale – que Descartes appelait le « siège de l’âme ». Sa production est orchestrée par l’alternance de la lumière et de l’obscurité. La nuit, le taux sanguin de mélatonine est 5 à 15 fois plus élevé que le jour, mais l’exposition à la lumière le fait rapidement chuter (on peut donc considérer la lumière comme un « médicament »). La mélatonine existe aussi sous une forme synthétique (pilule, liquide) en vue d’être administrée par voie orale.

Comment l'organisme fabrique-t-il et emploie-t-il la mélatonine ?

Les protéines alimentaires apportent de petites quantités d’un acide aminé essentiel appelé tryptophane. Celui-ci est transformé en un messager chimique, la sérotonine, à son tour convertie en mélatonine dans la glande pinéale. La mélatonine dispose de récepteurs spécifiques au sein de l’hypothalamus - une structure du cerveau qui gère un grand nombre de rythmes biologiques. Elle aurait ainsi une influence directe sur les rythmes circadiens (veille-sommeil) via le système nerveux central. Une fois utilisée, la mélatonine est métabolisée par le foie en 6-hydroxy-mélatonine et 6-sulphatoxy-mélatonine, qui est le principal produit de dégradation.

Qui a découvert la mélatonine ?

Sa découverte est largement due aux travaux du Dr Aaron Lerner, un dermatologue de l’université Yale. En 1953, Lerner s’intéressait à une maladie de la peau par dépigmentation appelée vitiligo. Lerner avait déjà découvert qu’une hormone permet à la peau de bronzer (on la connaît aujourd’hui sous le nom de MSH ou melanocyte stimulating hormone). Il cherchait une hormone qui éclaircirait la peau. En parcourant la littérature scientifique, il découvrit une étude de 1917 sur le bovin, qui suggérait qu’un extrait de la glande pinéale blanchit la peau des batraciens. A partir de 2 500 glandes pinéales de bœuf, Lerner réussit à extraire 100 mg d’une substance active sur les pigments de mélanine des mélanophores. Quatre ans plus tard, il parvint à décrire sa formule chimique. Il donna à cette nouvelle hormone le nom de mélatonine : mela, parce que l’hormone éclaircit les cellules qui produisent la mélanine, et tonine parce qu’elle est issue d’un messager chimique, la sérotonine. L'homme ayant des mélanocytes, et non pas des mélanophores, la mélatonine n'a aucun effet sur la coloration cutanée.

Le niveau de mélatonine baisse-t-il avec l'âge ?

On a longtemps cru que le taux plasmatique de mélatonine augmentait jusqu’à l’âge de 8 à 10 ans avant de stagner pendant l’adolescence, puis de baisser linéairement avec les années. Cette construction a été remise en cause par des études récentes qui n’ont pas trouvé de diminution significative de la mélatonine à l’âge adulte. Ainsi, une étude française ne constate pas de différences dans la sécrétion de mélatonine entre personnes jeunes et âgées. (1) Déjà, en 1999, une étude n’avait pas relevé de différences dans les taux plasmatiques entre un groupe de volontaires âgés de 18 à 34 ans, et un autre groupe âgé de 65 à 81 ans. (2)

Le schéma le plus consensuel est aujourd’hui le suivant. Avant l’âge de 3 mois, il y aurait peu ou pas de sécrétion de mélatonine. Les taux sanguins les plus élevés sont relevés entre 1 et 3 ans. Puis ils baissent progressivement d’environ 80% jusqu’à 25-30 ans, moins en raison d’une diminution de la sécrétion, qui reste constante, que d’une augmentation du volume corporel. A l’âge adulte, les taux de mélatonine se stabilisent, avant d’accuser une nouvelle chute lors de la sénescence, vers 80 ans. (3) Cette baisse semble être due à une diminution notable de la sécrétion de mélatonine : une étude a trouvé que le taux de mélatonine dans le fluide cérébro-spinal est deux fois plus élevé entre 41 et 80 ans qu’après cet âge. (4)

Comment préserver ou augmenter le niveau de sa mélatonine naturelle ?

Selon le Dr Russel Reiter (University of Texas Health Science Center, San Antonio), il semble prudent d’éviter l’excès de lumière aux heures inhabituelles, la nuit par exemple. La lumière, en effet, supprime la mélatonine. La suppression chronique de la mélatonine nocturne peut non seulement altérer le sommeil, mais aussi augmenter les dégâts occasionnés par les radicaux libres. La mélatonine possède en effet des propriétés antioxydantes : moins elle est présente, plus on suppose que les atteintes dues aux radicaux libres peuvent se développer.

Une étude récente a montré que la méditation peut augmenter le taux nocturne de mélatonine dans le sang. (1) A l’inverse, au-delà d’un verre par jour, la consommation d’alcool – au moins chez la femme, semble diminuer le taux de mélatonine. (2) Certains médicaments du système nerveux central comme les antidépresseurs tricycliques, ou les benzodiazépines (anxiolytiques, somnifères) diminuent le taux de mélatonine. (3)

La mélatonine prévient-elle le décalage horaire ?

Le phénomène du « jet lag » ou décalage horaire a été décrit pour la première fois par l’aviateur Wiley Hardeman Post et le navigateur Harold Gatty lors du premier tour du monde en avion à hélice qu’ils accomplirent du 23 juin au 1er juillet 1931. Le décalage horaire apparaît lorsqu’on traverse rapidement plusieurs fuseaux horaires. Il se manifeste par des troubles du sommeil, de l’appétit, de la vigilance et par de la fatigue. Il est plus sévère dans le sens ouest-est parce que les journées sont plus courtes, alors que notre horloge interne est réglée sur 25 heures. Celle-ci a besoin d’un jour par fuseau horaire pour s’adapter aux nouvelles conditions : ainsi, si vous traversez 6 fuseaux horaires, il faut compter 6 jours pour s’adapter. Les chercheurs pensent que la mélatonine est impliquée dans l’apparition du décalage horaire. Lors d’un voyage vers l’est, elle serait sécrétée trop tôt, mais trop tard lors d’un voyage vers l’ouest. D’où l’intérêt potentiel d’absorber des suppléments qui permettraient de « recaler » le rythme physiologique, favoriser la resynchronisation du sommeil et la sécrétion rythmique d’autres hormones. La majorité des études ont montré que la mélatonine par voie orale diminue l'intensité des symptômes classiques du décalage horaire (fatigue matinale, manque d'énergie diurne). (1) La mélatonine semble plus efficace lorsque le décalage dépasse 7 h et lors de voyages vers l'est plutôt que vers l'ouest. Elle apparaît efficace à partir de 0,5 mg/j à prendre à des moments différents selon qu’on va vers l’est ou vers l’ouest (La clinique du décalage horaire)C’est d’ailleurs sur ces bases que les pilotes de l’armée de l’air des Etats-Unis et les astronautes de la NASA se voient prescrire cette molécule. Mais toutes les études ne sont pas concluantes. (2) Ces échecs pourraient s’expliquer par des différences individuelles (« bons » et « mauvais » répondeurs), des différences de dosage ou encore des différences dans les heures de prise. Signalons enfin que la mélatonine, à la dose de 0,5 mg/j ou de 5 mg/j, augmente le niveau d’hormone de croissance. (4)

La mélatonine peut-elle aider les travailleurs de nuit ?

Prises collectivement, plusieurs études suggèrent que la mélatonine peut améliorer l’état de vigilance et diminuer la fatigue chez les travailleurs décalés. (1) Cependant, dans une étude récente, la mélatonine à la dose de 1 mg/j s’est révélée incapable d’améliorer le sommeil et l’humeur de travailleurs décalés. (2) Echec également de la mélatonine pour ajuster l’horloge circadienne de babouins, avec lesquels nous partageons de très grandes similitudes génétiques. (3) Les raisons de ces disparités tiennent peut-être à la dose employée et à l’heure d’administration. La question reste ouverte.

Peut-on traiter les troubles du sommeil avec de la mélatonine ?

La plupart des études montrent que, chez les insomniaques, l’administration de mélatonine réduit la période de veille avant l’apparition du sommeil et/ou augmente le temps de sommeil. Elle diminue aussi le temps d’éveil au cours de la nuit. (1) Cependant, les effets les plus nets sont obtenus chez les personnes âgées, en particulier lorsque leur taux naturel de mélatonine est bas. (2) Ainsi, la mélatonine pourrait-elle constituer dans cette population une alternative (à discuter avec le médecin traitant) aux somnifères de synthèse dont les effets indésirables sont nombreux, et le coût bien supérieur.

Quelle dose de mélatonine prendre pour dormir ? Il n’est pas nécessaire d’absorber des doses importantes pour constater une amélioration : celle-ci interviendrait dès 0,3 mg/j (3) et peut-être même 0,1 mg, selon le Dr Richard Wurtman (Massachusetts Institute of Technology, Cambridge), l’un des meilleurs spécialistes mondiaux, que nous avons consulté pour cette revue. En revanche, des doses élevées de mélatonine n’auraient aucun effet sur le sommeil, si l’on se réfère à une étude néerlandaise au cours de laquelle la mélatonine a été testée pendant 5 ans à la dose de 75mg/j sur 5 000 femmes. A ce niveau élévé d’administration, on ne voit pas d’effet soporifique. (4) Ce paradoxe s’explique probablement par une saturation des récepteurs. En conclusion, les doses les plus efficaces pour dormir (chez les personnes réceptives) se situent probablement entre 0,1 et 0,5 mg/j.

La mélatonine freine-t-elle le vieillissement ?

Rien ne permet pour l’instant de l’affirmer. L’idée que la mélatonine permettrait de freiner le vieillissement vient des expériences pionnières de Pierpaoli et Regelson qui ont montré en 1994 que la greffe de glandes pinéales de souris âgées à des souris jeunes diminue de 40% l'espérance de vie des receveurs. A l'inverse, la greffe de glandes pinéales de souris jeunes à des souris âgées augmentait d’autant leur espérance de vie. (1) Cependant, ces expériences n'ont pas été reproduites par d'autres chercheurs.

Ce qui est sûr, c’est que la mélatonine possède des propriétés antioxydantes, c’est-à-dire qu’elle protège cellules et tissus des dégâts provoqués par les radicaux libres, et notamment les plus toxiques d’entre eux, le radical hydroxyle et l’anion péroxynitrite. (2) Les radicaux libres sont impliqués dans un grand nombre de maladies dégénératives et dans le vieillissement général de l’organisme. Contrairement à d’autres antioxydants qui neutralisent les radicaux libres de manière sélective (la vitamine C en milieu aqueux, la vitamine E en milieu gras), la mélatonine limite l’oxydation dans tous les compartiments cellulaires : elle protège les graisses, les protéines et l’ADN (support du code génétique) ; de plus, elle peut franchir la barrière hémato-encéphalique et exercer son action au niveau des cellules nerveuses. Enfin, la mélatonine stimule la synthèse d’une enzymes antioxydante, la superoxyde dismutase ; elle augmente l’activité d’autres enzymes antioxydantes : glutathion péroxydase, glutathion réductase et glucose-6-phosphate déhydrogénase. Expérimentalement (chez le rongeur), la mélatonine freine certains aspects biochimiques de la maladie d’Alzheimer, diminue les dégâts oxydatifs liés à la maladie de Parkinson et ceux qui suivent le mécanisme d’ischémie-reperfusion (rencontré dans les infarctus).(3)

La mélatonine a-t-elle un impact sur la sexualité ?

La mélatonine participe probablement à la régulation du comportement sexuel, mais cette relation est complexe et encore mal connue. On a dans le passé avancé l’idée que des suppléments de mélatonine pourraient perturber la fonction sexuelle chez l’homme, notamment en diminuant la sécrétion de testostérone. En fait, une étude récente montre que les suppléments de mélatonine sont sans effet sur le niveau de testostérone. (1) Une autre hormone impliquée dans la sexualité, l’ocytocyne, est augmentée par des suppléments de mélatonine à dose faible (0,5 mg/j), mais inhibée par des doses élevées (5 mg/j). (2)

En réalité, plusieurs utilisateurs de mélatonine ont rapporté une activité sexuelle augmentée après avoir pris de la mélatonine. Des chercheurs ont donc récemment testé des suppléments de mélatonine chez le rat. Ils ont réussi à restaurer l’activité sexuelle de rats âgés et de rats impuissants. (3) La mélatonine pourrait agir en bloquant l’activité d’un certain type de récepteurs de la sérotonine (5-HT 2A) qui freinent l’activité sexuelle.

La mélatonine est-elle dangereuse ?

N’étant pas un médicament, la mélatonine n’a pas fait l’objet d’études de toxicologie rigoureuses. Elle apparaît cependant raisonnablement sûre aux doses habituellement consommées, en tous cas sur une courte période. (1) Les effets à long terme restent mal connus.

La biodisponibilité de la mélatonine a été étudiée : environ 15% d’un cachet de 2 à 4 mg seraient effectivement absorbés. (2)

(1) De Lourdes M : Randomized, double-blind clinical trial, controlled with placebo, of the toxicology of chronic melatonin treatment.J Pineal Res 2000, 29(4):193-200. (2) DeMuro RL : The absolute bioavailability of oral melatonin. J Clin Pharmacol 2000, 40(7):781-784.

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